Nous
devons comprendre qu'il existe deux mondes, l'un corporel et l'autre spirituel,
le monde des incarnés et je n'ajouterai pas celui des désincarnés, mais plutôt
celui des non incarnés. Beaucoup pourraient s'imaginer qu'ils sont distincts,
il n'en est rien. J'ai déjà révélé que tout être se compose de deux
individualités dont l'une est le moi conscient et l'autre le moi intelligent.
C'est en celui-ci que nous sommes incarnés; le moi conscient ne l'est pas parce
qu'il est réel tandis que l'autre n'est que apparent. Nous faisons donc partie
du monde corporel par ce dernier, notre moi imparfait et du monde spirituel par
notre moi réel. Celui-ci est l'opposé de l'autre: il n'est atteint ni par le
sommeil, ni par la mort tandis que l'autre est soumis à tous les événements
inhérents à la matière. Nous croyons qu'à la mort les âmes quittent le
monde et vont dans l'au-delà et l'au-delà est ici. L'âme imparfaite reste
incarnée jusqu'à ce qu'elle ait surmonté son imperfection. Chaque existence
est la conséquence de la précédente et elle détermine celle qui lui succède
par l'épreuve subie et par d'autres contractées à son insu. Avant de quitter
le corps qui se meurt, l'âme s'en est préparé un autre pour se réincarner.
Ne nous imaginons pas qu'à la mort elle va dans l'espace, il n'en est pas
ainsi. Qu'y ferait-elle, la vie de relation matérielle y serait-elle encore
possible? En quoi l'âme pourrait-elle y progresser? Si elle le pouvait, il lui
serait inutile de venir prendre un corps et de passer de l'espace à la terre et
réciproquement.
Tout
autre et bien plus consolante est la réalité: la mort n'existe pas; nos êtres
chéris soi-disant disparus ne le sont qu'en apparence: nous ne cessons pas un
instant de les voir et de nous entretenir avec eux, la vie corporelle n'est
qu'illusion. Mais notre incarnation qui est le doute absorbe notre foi. Je ne
sais comment m'exprimer pour vous pénétrer de la réalité de cette question;
oui, je voudrais pouvoir vous rendre sensible la révélation d'aujourd'hui,
vous faire savourer à quel point elle est réconfortante. Notons bien qu'il n'y
a que le doute qui nous incarne et qui empêche notre liberté. Si nous pouvions
pendant le jour, nous rappeler les jouissances que nous éprouvons la nuit au
contact de nos chers disparus! Malheureusement cette maudite matière nous met
l'oubli, nous le savons, elle est opposée à la foi. Ah ! quand pourrons-nous
nous éveiller, sortir de l'affreux cauchemar de l'incarnation? Car c'est bien
ce qu'elle est, mais nous ne pouvons le croire parce que notre imperfection nous
trompe; par l'épreuve qu'elle suscite, elle nous convainc de sa réalité.
Il
est parfois bien pénible d'entendre avancer des opinions contraires aux
siennes. C'est bien là, cependant, que l'on nous rend les plus grands services
en nous corrigeant du parti pris. Nous ne pouvons souffrir que de l'erreur. Plus
l'homme est méchant, plus il voit le droit de son côté et la méchanceté
chez les autres. Si nous sommes donc contrariés, affligés de l'opinion
d'autrui, c'est que nous nous basons sur l'erreur. La vérité réconforte
toujours celui qui la possède; étant le fruit de son expérience, elle ne
saurait l'enorgueillir parce qu'elle est due à son mérite. Quoi qu'on lui
dise, il se sent à l'abri et plaint celui qui le combat, il sait qu'il est
malheureux, que l'opinion l'empêche d'aimer parce qu'elle l'entoure d'un fluide
qui le contrarie.